Ma thèse, intitulée “The Elusive Silver Gamer: Representations and Practices of Older Video Game Players”, a été soutenue le 11 octobre 2022 à l’université Concordia (Montréal). Elle a été dirigée par Bart Simon et le jury de thèse était composé des professeur-es Sylvia Kairouz, Kim Sawchuk, Bob De Schutter, Julie-Soleil Archambault et Szilvia Papai.
La thèse n’est pas encore disponible en ligne, mais ses résultats sont discutés dans plusieurs articles publiés ou en cours de publication.
En voici le résumé :
The Elusive Silver Gamer: Representations and Practices of Older Video Game Players
Over the past two decades, the increasing academic, institutional and media interest in older adults who play video games has popularized the figure of the “silver gamer” and its project of successful aging through digital play. This doctoral research examines what is at stake in older adults’ video game play. It stands at the intersection of the studies of aging, game studies, and studies of technology. The research accounts for the reciprocal relationship between discourses and practices as well as the agency of players within a constraining environment. It draws on fieldwork conducted in 2019-2020 in France: on one hand, biographical semi-directive interviews with sixteen older adults who play video games on their own; and, on the other hand, the ethnography of an association that organizes video game workshops in aged care institution, with non-participant observation in thirty of these workshops.
The dissertation begins with an examination of the conflicted relationship between old age, play, and digital technology that limits older adults’ ability to become video game players. It then investigates the “silver gamer” discourse, outlining its techno-enthusiastic anti-aging narrative and its difficult implementation as a result of older players’ indifference towards its promises. The figure of the “silver gamer” establishes a narrow scope for older adults’ play, associated with health and self-discipline rather than fun or skill. The dissertation proposes an analysis of older adults’ gaming careers and play practices.
The distinctive patterns in older adults’ video game play reflect the uneasy cultural and social condition of old age in contemporary societies. Older players tend to be particularly self-conscious, isolated from other players, discreet, and stable in their choice of games. Their play articulates a complex moral economy around time, freedom, and productivity. Their video game play exhibits a sense of marginality and restriction, but also adaptability and resistance, that is grounded in the experience of old age. The present research argues that the cultural representations, social norms, and material conditions associated with this stage of the life course interacts with individuals’ experience of leisure, play, and technology. In sum, (old) age matters in (video game) play.
Et sa traduction (non-officielle) en français :
RÉSUMÉ
L’insaisissable Silver Gamer : Représentations et pratiques des joueur-ses de jeux vidéo âgé-es
Au cours des deux dernières décennies, l’intérêt croissant des universitaires, des institutions et des médias pour les gens âgés qui jouent à des jeux vidéo a popularisé la figure du “silver gamer ” et son projet de vieillissement réussi grâce aux technologies numériques. Cette recherche doctorale examine ce qui est en jeu dans les pratiques vidéoludiques des plus âgé-es. Elle se situe à l’intersection des travaux de sciences sociales sur le vieillissement, le jeu (vidéo), et la technology. Ce travail s’intéresse à la manière dont représentations et pratiques se transforment mutuellement et interroge l’agentivité des individus qui s’engagent dans une forme contrainte de jeu. La thèse s’appuie sur une enquête de terrain menée en 2019-2020 en France : d’une part, des entretiens semi-directifs biographiques avec seize adultes âgés qui jouent aux jeux vidéo de manière autonome ; et, d’autre part, l’ethnographie d’une association qui organise des ateliers de jeux vidéo en établissement de soins pour personnes âgées, avec une observation non-participante dans trente de ces ateliers.
La thèse commence par un examen de la relation conflictuelle entre la vieillesse, le jeu et les technologies numériques qui limite la capacité des personnes âgées à devenir des joueur-ses de jeu vidéo. Elle étudie ensuite le discours du “silver gamer” en mettant en regard son récit techno-enthousiaste de lutte contre le vieillissement et la relative indifférence des joueur-ses âgé-es devant ses promesses, ce qui génère sur le terrain des résultats ambivalents. La figure du “silver gamer” propose aux plus âgé-es une identité valorisante mais restreinte, définie par la santé et l’autodiscipline plutôt que par le plaisir ou l’habileté en jeu. La thèse présente enfin une analyse des carrières et des pratiques ludiques des personnes âgées.
Les individus âgés ont une expérience spécifique du jeu vidéo, reflet non pas d’une condition physiologique ou médicale, mais bien de la position sociale et culturelle inconfortable de la vieillesse dans les sociétés contemporaines. Les joueur-ses âgé-es ont tendance à être particulièrement critiques de leur propre pratique, à se tenir à l’écart des autres joueur-ses, à jouer de manière discrète voire cachée, et à maintenir un style de jeu très stable au fil du temps. Leur manière de jouer articule une économie morale complexe autour du temps, de la liberté et de la productivité. Leurs pratiques révèlent un sentiment de marginalité et de restriction, mais aussi d’adaptabilité et de résistance, qui est ancré dans l’expérience de cette étape du parcours de vie. La thèse montre que les représentations culturelles, les normes sociales et les conditions matérielles associées à la vieillesse font converger les expériences d’individus qui ont pourtant des histoires très différentes en termes de loisirs, de jeu et de technologie. En somme, le (grand) âge transforme le jeu (vidéo).